Yoko Ogawa, Cristallisation secrète, Actes Sud (342 p.).

Publié le par Morgane

41PC5S6jTIL. SL500 AA300 [1]Cristallisation secrète est le titre, énigmatique et onirique, d'un roman traduit du japonais dont le lecteur ne sort pas indemne. L'action se déroule sur une île des plus mystérieuses où se produisent à intervalles réguliers des disparitions qui concernent non pas des personnes mais des catégories d'objets, des espèces végétales ou animales. A l'occasion de chaque disparition, la population de l'île est frappée d'amnésie : "Mais j'avais beau observer la forme des tiges, leurs épines et leurs feuilles, j'avais beau lire les panneaux décrivant les différentes espèces, je me rendais bien compte que je ne me souvenais déjà plus de la forme des roses", constate la narratrice en déambulant dans une roseraie peu de temps après la disparition des roses. Pourtant, certains habitants de l'île conservent la mémoire de tout ce qui a existé. Ils sont contraints de vivre cachés afin d'échapper aux "traqueurs de souvenirs". Une police secrète est chargée d'arrêter les suspects afin de les emmener au centre de décryptage des gênes où des tests évalueront leur aptitude à se souvenir. Nombreux sont ceux qui seraient tentés de fuir si l'île n'était coupée du monde depuis la disparition des bateaux...

Raconté à la première personne, le récit est pris en charge par une jeune femme qui vit seule depuis l'enlèvement de sa mère par la police secrète et le décès de son père. Elle exerce le métier de romancière. Par un effet de mise en abyme, certains chapitres du roman qu'elle est en train d'écrire sont insérés dans le récit. De troublantes coïncidences entre les deux histoires déstabilisent le lecteur en lui faisant perdre ses repères. Là réside à mon sens la force de ce roman qui brouille constamment les pistes et nous plonge dans une atmosphère étrangement inquiétante.

Cette fable, qui dénonce le totalitarisme, confronte en effet le lecteur à ses peurs -  ou à ses fantasmes - en particulier lorsque le récit bascule dans l'horreur et le cauchemar... Elle est en outre un bel hommage à l'écriture, dernier rempart contre le totalitarisme.

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