Agnès Desarthe, Dans la nuit brune, Editions de l'Olivier (211 p.)

Tout commence par le décès d'Armand dans un accident de moto : "Une boule de feu qui valdingue d'un côté à l'autre de la nationale et puis, à un moment, après le virage, vlan ! dans l'arbre", raconte un témoin.  Jérôme voudrait comprendre, parce qu'Armand était l'amoureux de sa fille Marina, âgée de dix-huit ans, avec qui il vit seul depuis que sa femme Paula l'a quitté, quatre ans auparavant. En tentant de résoudre l'énigme de la mort d'Armand, Jérôme se retrouve confronté à d'autres mystères : celui de la disparition de Clémentine, qui fréquentait le même établissement que sa fille,  et celui de sa propre existence. Des premières années de sa vie, en effet, il ne sait rien, sinon qu'il a été trouvé dans les bois par Annette et Gabriel qui l'ont adopté et qu'il n'a plus jamais quittés.

En secret, Jérôme retourne dans la forêt à la recherche de sensations oubliées et de réponses aux questions qu'il se pose  : "Il file dans la nuit, trébuche sur une racine, s'aplatit au sol et continue en rampant. Ses mains se glissent sous le tapis de feuilles, son menton se râpe contre les cailloux qui affleurent, et sa joue se console sur un oreiller de mousse." Dans cette quête de ses origines, il est secondé par des personnages atypiques : une jeune fille obèse et médium, un policier retraité homosexuel, une écossaise au physique improbable... Mais les révélations auxquelles il devra faire face dépassent de loin tout ce à quoi il pouvait s'attendre...

Le roman tire sa force du style très dépouillé d'Agnès Desarthe et de l'utilisation de la focalisation interne : le lecteur est constamment plongé dans les pensées de Jérôme qui n'est pourtant pas le narrateur. Ce choix narratif permet toutes les confusions entre le rêve et la réalité, le souvenir et le fantasme... Le récit finit par devenir inquiétant parce qu'il confronte le personnage à ses démons intérieurs et joue avec les peurs ancestrales du lecteur, à la manière des contes merveilleux qui charment les enfants en même temps qu'ils les terrifient.