Pavel Sanaïev, Enterrez-moi sous le carrelage (266 p.).

Publié le par Morgane

51JLCHDcIQL. SL500 AA300 [1]Avec un titre tel que celui-là, je m'attendais au pire. Mais le pire est bien en-deçà de ce que j'ai découvert dès les premières pages de ce roman... Enlevé à sa mère par une grand-mère abusive et toute-puissante à l'âge de 4 ans, Sacha Savéliev a 9 ans lorsque commence le récit dont il est à la fois le narrateur et le personnage principal, ou plutôt la principale victime. Car sa grand-mère, Nina Antonovna, n'a de cesse de le brimer sous-couvert de prendre soin de lui et de le protéger. Ayant décrété une fois pour toutes que son petit-fils était malade, elle le promène de consultation médicale en consultation médicale ce qui n'est qu'un prétexte pour l'empêcher de s'amuser et de profiter de la vie comme les autres enfants de son âge. Ainsi Sacha n'accède-t-il à aucun des plaisirs de l'enfance : jeux de plein air, friandises, parcs d'attraction... Tout lui est refusé. Sa vie est une suite de contraintes toutes plus injustes les unes que les autres mais le petit garçon qui vit dans l'angoisse et la terreur n'en a pas conscience et se plie docilement aux caprices de sa grand-mère allant jusqu'à maudire sa mère pour ne pas s'attirer les foudres de la vieille femme.

Ce qui frappe d'emblée dans ce roman qui fait une large place au dialogue, c'est la violence des mots qui accompagnent les brimades physiques ou psychologiques dont Sacha est victime : "Espèce de salaud puant et infect", "exécrable vaurien", "ordure"... Telles sont quelqu'unes des insultes préférées de sa grand-mère qui ne cesse de maudire l'enfant : "Que tous les malheurs de la terre se déversent sur ta tête ! [...] Que ton foie, tes reins, ton cerveau, que ton coeur se dessèchent !".

Il y a cependant de l'amour entre ces personnages. Nina aime manifestement cet enfant qui est sa seule raison de vivre. Sénetchka aime Nina, la femme qui rend sa vie impossible mais sans laquelle il n'est rien. Et la mère de Sacha aime son petit garçon bien qu'elle se sente indigne de l'élever. Quant à Sacha, il a appris très tôt à feindre pour pouvoir aimer secrètement sa mère et puiser dans cet amour la force de continuer. Enterrez-moi sous le carrelage est donc à mon sens un roman sur l'impossibilité d'aimer lorsque les relations entre les individus sont dominées par des enjeux de pouvoir.

Pourtant, ce roman n'est pas triste et c'est ce qui en rend la lecture supportable. On sourit - on rit, même ! - de certaines situations cocasses, de l'outrance de cette grand-mère dont les réactions sont inversement proportionnelles à la gravité des événements qui les déclenchent, des réflexions de Sacha qui ne s'apitoie jamais sur son sort et analyse les événements avec lucidité et naïveté à la fois : "Je m'appelle Sacha Savéliev. Je suis en CM1 et je vis avec ma grand-mère et mon grand-père. Maman m'a échangé contre un nabot buveur de sang et a accroché une lourde croix au cou de grand-mère. Et j'y suis pendu depuis l'âge de quatre ans." Ames sensibles, s'abstenir...

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C
<br /> Ouf!!! on se demande où on est quand on lit ton billet. Je suis curieuse de lire ce livre<br /> <br /> <br />
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